Les recherches des historiens
locaux ont permis d’établir ce que furent, au fil des siècles, les moyens
d’alimenter en eau notre ville, les puits publics et privés ne suffisant pas.
Dans son Essai sur
l’Histoire de la ville de Castelnaudary, (manuscrit) Jacques de Gauzy nous apprend qu’en 1604 il n’y avait aucune fontaine dans
Castelnaudary ; on y fit conduire l’eau de la source du faubourg et on construisit un réservoir à la place de
la bastide (aujourd’hui place de Verdun) ;
en 1671, la population ayant augmenté, il fallut construire 2 fontaines de plus dans
la ville de façon à conduire l’eau jusqu’à la Collégiale St Michel : on
eut ainsi 3 fontaines publiques le long de l’artère centrale : une à la
porte de la Bastide , l’autre au nord du planal (Place de Verdun) la 3ème à l’ouest
de la Place St Michel, à l’angle de l’Hôtel de Gauzy.
En 1681, la conduite d’eau pour les fontaines ayant été pratiquée dans de
simples canonnades, on résolut d’y substituer un aqueduc, on emprunta 8000 livres pour cette
dépense ; l’adjudication fut donnée à François Pascal, de Nice, et le
travail vérifié par : «le sieur Androzzi, intelligent en
ces matières et qui travaille à la conduite du canal royal». Le grand et bel aqueduc qui traverse la
Terrasse fut édifié en 1686.
Jean- Baptiste Connac, dans
son Essai Historique sur la ville de Castelnaudary ( euilleton du 19 mars 1905) rappelle
l’existence de puits publics : ceux de Goufferand, de la Rousse (quartier
de Ste Croix) de la porte de Montléon,
de la rue de las fédos (rue des moulins) de la rue des bouchers (rue Soumet) de
la place St Pierre (Blaise d’Auriol) . Pendant les réparations de
l’aqueduc principal, on eut recours aux
fontaines des abords immédiats de la ville : celle de Grimaude, de St
Roch, de Goullane (Mauléon) ou encore
celle de l’Arlenque route de Mirepoix.
L ‘idée de construction d’une fontaine sur le planal pour
remplacer l’existante, apparaît en 1777 dans les devis demandés à Bergnes
et Denat, comprenant les réparations à effectuer et l’élévation sur le
planal d’une fontaine surmontée de Neptune ; la révolution
empêcha la réalisation de ce projet et mit à mal la fontaine installée à l’angle nord-est de
la place St Michel : en effet, le 22 ventôse, an 2 de
la république (4 février 1794), l’Agent
National du District de Castelnaudary écrit à l’Agent national de la commune :
« il existe au-dessus de la
fontaine située à la place St Michel un ange ou un archange de plomb ;
crainte qu’il ne s’envole, je t’invite et au besoin je te requiers de le
déloger du lieu où il est et de l’envoyer dans le lieu où le district tient ses
séances ; le corps de cet esprit servira ou bien pour faire des balles ou
pour vernir la poterie dont les hôpitaux
militaires ont un pressant besoin ; Salut et fraternité ». Au dos du
document, on lit : fait descendre l’archange le même jour et envoyé au
district.
Les Archives municipales et
Départementales ne conservent aucun dessin de ladite fontaine ni en son état
originel ni après amputation de son ornement ; il faut attendre 1835 pour
en savoir plus sur elle. Par délibération du 12 février 1835, le conseil
municipal a autorisé M. Pierre de Gauzy à
étendre la façade de sa maison en construisant une aile au-dessus
des murs de ladite fontaine ; le conseil a au préalable chargé le conseiller municipal
Marc Solier d’étudier la question et de présenter un rapport ; il donne des
explications qui permettent, à défaut de dessin, de rétablir quelques erreurs :
La fontaine en question se compose d’un bassin réservoir surmonté
d’une voûte en pierre ; le mur sud
a 1m 50 d’épaisseur et tous les autres 80 cms ; quant à la voûte
elle est en meilleur état que les parois du bassin ; il n’y a donc aucune
crainte de solidité ; l’ensemble occupe une surface de 25 m2. IL résultera
de ces travaux la réfection de la façade, à la charge de M. de Gauzy et selon le plan
qu’il présente lui-même ; il consiste : « en une niche dont
le grand axe est de 1m50 et le demi
petit axe de 60 cms ; de chaque côté de la niche, il y a 2 pilastres, le
tout est surmonté d’une corniche ayant frise et architrave ; la niche
offre l’avantage d’abriter le robinet contre le vent ; de cette manière l’
eau tombera toujours verticalement dans la cruche et il s’en perdra moins
qu’auparavant ; le plan devra être
exécuté en entier en pierre de taille de Villegly »
Il s’agit donc bien d’une
fontaine publique en pierre et non d’une fontaine d’ornement en fonte comme
celle qui sera installée en 1874 place aux herbes ; la façade de l’Hôtel de
Gauzy conserve encore à ce jour la niche
de ladite fontaine. Le conseil municipal du 18 janvier 1855 décida de supprimer le bassin de réserve
et la borne de la place St Michel, à la demande de M. de Gauzy qui, revenant sur l’accord de 1835, proposait
de prendre à ses frais la démolition et offrait une somme de 600 francs pour
construire un bassin au milieu de la place, à charge pour la ville de l’orner d’une fontaine quand les finances
le permettraient ; on ne trouve trace, ni aux archives municipales, ni
aux Archives Départementales d’une fontaine monumentale au milieu de
la place St Michel ; elle n’a vraisemblablement jamais
existé à cet endroit et est restée chez
de Gauzy.
En ce qui concerne maintenant la
fontaine de la place Ste Croix, elle apparaît à l’ordre du jour en 1851,
dans la séance du conseil du 9 février au cours de laquelle on décide de la
suppression de « la masure » de la fontaine et du placement d’un
robinet au milieu de l’espace entre les 2 perrons nouvellement construits sur
la place aux herbes. Vingt ans plus tard,
le 8 novembre 1871, l’Architecte Capella présente un rapport concernant la place aux herbes et sa fontaine,
dans lequel il indique qu’une fontaine
monumentale sur cette place en diminuerait considérablement la
superficie : celle de St Michel, d’une surface de 25 m2 serait bien trop grande
et il se prononce contre cette idée de transfert ; si l’on devait enlever
la fontaine de St Michel, il ne lui trouverait comme nouvel emplacement que le
bassin du jardin de la Terrasse. Là aussi, aucun document ne permet d’affirmer
avec certitude que ledit transfert a eu
lieu ; à défaut de plan ou de compte-rendu
nous avons cherché dans le fonds photographique de Clément Ramon,
photographe installé depuis 1845 tout
près du jardin de la Terrasse ; il a publié de nombreux clichés montrant
le bassin dans divers aspects : aucune trace non plus de fontaine mais de
plantes aquatiques ou de jets d’eau ; il faudra attendre 1905 pour voir
érigée en son centre la stèle supportant le buste de Soumet.
L’actuelle fontaine de la
place aux herbes apparaît enfin sur les plans du projet de 1872 et sera mise en
place en 1874.
Il s’agit du modèle numéro 2 au
catalogue des fonderies de Tusey (Meuse),
signé Zegut, qui fut le directeur de la fonderie de 1862 à 1874 ; cette installation s’inscrit
donc parfaitement dans le calendrier des travaux effectués sur la place aux
herbes ; elle est en harmonie avec
le bâtiment de la halle et constitue un élément fort d’ornementation de la
place qui mérite d’être conservé in situ ; dans cet esprit, elle a été
avancée de 5 m lors des travaux de 1992 à la halle, afin de faciliter l’installation des forains
et la circulation des chalands ; une borne fontaine Bayard a été installée à l’entrée de la place, côté rue
Gambetta, pour remplacer celle qui avait
été enlevée «par erreur»
Francis
Falcou (20 janvier 2018)
Sources
consultées : Archives municipales : séries M et O.
Archives
Départementale : D.D.17.2 OP 720-721.