COMPTE – RENDU DE LA CONFERENCE
du 5 NOVEMBRE 2016
La salle Lauragais de la M.D.A était quasiment comble pour
écouter Colette Ourliac et Francis Falcou évoquer ce que furent les
activités des Laboratoires Souvignet et Homps dans le domaine de la
pharmacie au siècle dernier. Mr Patrick Maugard, Maire, honorait de sa présence
cette soirée.
Francis Falcou rappela d’abord les précédentes recherches de
Colette Ourliac dans ce domaine depuis 20 ans, au sein de notre
Association : l’ étude des 122 pots Moustiers de l’apothicairerie de l’hôpital
publiée en 1997 et épuisée ; les notices sur le mobilier découvert à
l’apothicairerie, toujours, en 2001, la mise en place des verreries, la
présentation de l’herbier, la conférence sur les maux et leurs soins dans les
hôpitaux de Castelnaudary en 2005, l’exposition des photos des 22 plus belles
apothicaireries de France en 2009, etc...
ll rappela l’étude du Docteur Jean Mordagne publiée en 1904,
concernant les apothicaires de Castelnaudary au XVIème siècle, la manière de
devenir diplômé, d’exercer ce métier, l’existence de remèdes secrets… C’est à partir de l’exposition organisée aux
Archives de l’Aude d’Avril à septembre 2014 que l’idée de la conférence du jour
est venue aux 2 conférenciers désireux
d’utiliser des documents en leur possession, notamment le catalogue des
Laboratoires Souvignet.
Colette Ourliac se livra alors à l’étude du dit catalogue présenté grâce au
diaporama de Jean- Claude Décossin : une belle page de couverture
organisée autour de la figure de Jean Souvignet avec des annonces
importantes : Dépôt général des remèdes de l’Abbé Sournies chez le
pharmacien Spécialiste médaillé de l’Ecole de médecine et de pharmacie,
chevalier de la Légion d’Honneur, et la
mention en capitales : Laboratoires Chrétiens. Suit la publicité de la
SANTIFERE, un remède du XVIème siècle d’après une formule des moines de Sigean
….. or les Capucins ne se sont installés à Sigean qu’en 1726… Le remède procure bien sûr à ceux qui le prennent une
santé de fer !
L’Abbé Sournies serait un savant botaniste, ce qui a conduit Francis Falcou
à chercher à connaître sa biographie. Les archives de l’Evêché nous apportent
un minimum de renseignements : sa date de naissance, le 10 février 1870 à
Ladern et la liste des paroisses où il a exercé son ministère : Alet,
Villardebelle, Rieux en Val et enfin Villemagne, le 1er Mai 1895, où il décéda
le 21 octobre 1944. Nous ne savons rien de ses études alors que nous aurions
aimé connaître comment il avait acquis sa connaissance des plantes lui
permettant de devenir « le soigneur » dont Jean Souvignet reprendra
et commercialisera les produits...
Nous sommes par contre
bien renseignés en ce qui concerne Jean Souvignet car Francis Falcou a pu entrer en
relation avec sa fille et sa petite-fille, Barbara Souvignet et Marie Serna
(Professeur à H.E.C. à Paris) par l’entremise de Mme Gertou, ancienne employée
des Laboratoires. Jean Souvignet est né à Saint-Etienne le 5 juillet 1884 mais
il vint vivre à Lyon à la suite du second mariage de sa mère avec un pharmacien
de cette ville ; étudiant en pharmacie à Lyon, il sera stagiaire dans
plusieurs officines, puis interrompra ses études pour aller à Genève et Lausanne ;
de retour à Clermont-Ferrand, il obtient son diplôme de pharmacien et
s’installe dans le Puy de Dôme.
Mobilisé durant la 1ère guerre mondiale, il sert
comme pharmacien dans les trains sanitaires ; rendu à la vie civile, il
quitte l’Auvergne et acquiert à Castelnaudary la pharmacie Roques située 11 rue
Gambetta qu’il transfèrera au 3 de la même rue pour s’agrandir ; il
acquiert ensuite une propriété route de Pexiora, Bagatelle, sur le terrain de
laquelle il va construire ses laboratoires pour fabriquer des produits dont il
a mis au point les formules ; le 1er juillet 1933 il dépose au
greffe du Tribunal de commerce de Castelnaudary la marque : La Santifère,
tisane inventée par l’Abbé
Sournies ; ses laboratoires occuperont une trentaine de personnes,
seront en sommeil pendant la seconde guerre mondiale mais reprendront leur
activité après la libération jusqu’au décès de Jean Souvignet, le 17 décembre
1960.
Colette Ourliac a étudié le catalogue des produits qu’il
proposait, outre la
Santifère, et remarqué qu’ils font souvent référence au domaine
religieux : l’embrocation Ambula guérit « de façon miraculeuse »,
la pommade Lactiflore, la tisane Salviflore sont des préparations qui
guérissent là où les autres ont échoué ; avec le sirop Pulmo-Sournies, le
malade « reprend des forces et renaît à la vie » La composition
des préparations est rarement indiquée mais il en existe 3, celle des
pastilles Sournies à base de miel, de réglisse et d’essence d’eucalyptus, la
tisane Salviflore contient de la sauge et la tisane uroflore de la livêche et
de l’ononis. Jean Souvignet propose aussi le Baume Saint-Marc, les emplâtres
rouges de Sœur Claudia de l’Ordre de la Miséricorde du Brésil, le laxatif Toméo
en pastilles chocolatées pour aider la prise par les enfants ; la poudre
Rosalba qui soigne les problèmes féminins ; l’eau royale du Lys d’or qui
est le soin incontournable des problèmes oculaires.
Le catalogue indique les prix et cite des courriers de
satisfaction qui prouvent que les ventes étaient bien établies à travers la
France.
Jean Souvignet se
révèle être un pharmacien habile ; il a construit autour d’une
exclusivité : les remèdes de l’Abbé Sournies, une stratégie commerciale
très cohérente qui diffuse ses autres produits ; il a soulagé bien des
maux, sa mission de pharmacien a été remplie.
Non loin de la pharmacie Souvignet, au 60 de la rue de
Dunkerque se trouvait la pharmacie Homps (aujourd’hui Tignol) qui possédait aussi un laboratoire
fabriquant des spécialités et était le dépositaire des laboratoires Opos :
Aubéliode, Oposséine, Rhumofan ; il nous a été impossible d’avoir une
biographie du dit pharmacien qui n’est
pas né ni enterré à Castelnaudary ; aucun dossier le concernant n’est
conservé au Conseil de l’Ordre des pharmaciens ; l’histoire orale nous a
permis de savoir qu’il possédait des terres à Saissac et Villemagne où il est
enterré ; un article de presse du 22 octobre 1975 rapportant un jugement
du Tribunal de Narbonne nous apprend qu’il était né en 1909. Des généralités
insuffisantes mais qui ne nous ont pas empêchés de nous intéresser à ses
produits. Il proposait entre autres le vin d’amour dont la composition
stimulante, riche en caféine, tonique du coeur, ne fait aucun doute quant à ses
heureux effets !...
Une malencontreuse panne de batterie nous a privés des 3
dernières illustrations qui montraient les boîtes d’Oposséine et une
mystérieuse pastille blanche vendue dans une boîte sans indication ; on
lisait sur une face de la pastille : Menthol, Borax, Cocaïne …..
Francis
Falcou concluait en citant Anton Tchekhov : « la science et les
médicaments évoluent avec les années mais l’odeur des apothicaireries semble
aussi éternelle que la matière »
Invité à dire le mot
de la fin, Mr le Maire racontait une anecdote selon laquelle le
pharmacien-paysan s’était présenté aux
élections cantonales contre le Maire de Villemagne, conseiller général sortant,
et n’avait obtenu …. Aucune voix, pas même la sienne lors du dépouillement !